Une journée « Découvertes pluridisciplinaires » (région de Plassac) avec l’Union scientifique d’Aquitaine et ses Sociétés savantes

Janvier/Février 2020

Un coup d’essai qui fut un coup de maître : l’Union scientifique d’Aquitaine décide un projet de sortie qui réunit les huit associations résidant dans l’Hôtel des Sociétés savantes (voir site http://www.usaquitaine.fr). La mise en œuvre est assurée par Kairinos et la Société linnéenne de Bordeaux, soit la cadette et la doyenne de nos associations… Le programme de ce samedi 4 mai 2019 est très complet : voyage en bus, visite du site archéologique de Plassac, promenade naturaliste le long de la corniche de la Gironde et sur le coteau de Mugron à Roque-de-Thau ; entre-temps, repas à la citadelle de Blaye.

Outre les médiateurs du patrimoine, deux précieux guides, Alix Barbet et Jean-Pierre Bost, nous attendent à Plassac. Tous nous font revivre les riches heures de gloire de la villa gallo-romaine et de ses aristocratiques propriétaires, le dur abandon et la difficile mise à jour du site. Les visiteurs rêvent devant leur vitrine préférée, outils ou tessons, mosaïques ou statuettes ; les commentaires échangés montrent l’intérêt porté par chacun.

La traversée des fossés de la citadelle de Blaye nous fait atteindre l’auberge qui a préparé le repas et les bonnes bouteilles nécessaires à une nutrition restauratrice ! Des vignes entourent le site : l’occasion d’une vue panoramique vers l’estuaire et de s’initier à la viticulture biodynamique.

Rejointe par certains guides bénévoles de la Société linnéenne, notre compagnie reprend alors le bus à destination de la Roque-de-Thau pour arpenter falaises et sentiers et découvrir des richesses botaniques, géologiques et entomologiques.

Alors, comme toujours, le fleuve « une fois empli du divin océan offrira le spectacle d’une mer entière en marche avec ses flots ». Après Ausone et bien d’autres, ce sont nos associés qui apprécient ces rives séduisantes… Les impressions sont échangées lors du retour vers Bordeaux et semblent déjà inviter une nouvelle sortie en commun, car chacun a pu apprécier les talents des associations dont il n’est pas membre !

Marie-Hélène Maffre
(présidente de l’USA)


Entre Plassac, Blaye et la corniche de Bourg-sur-Gironde ; samedi 4 mai 2019

Dès le vendredi 3 mai, l’Association Kairinos avait introduit le sujet des décors peints gallo-romains de la villa de Plassac par une remarquable conférence d’Alix Barbet, dans une salle comble. N’oublions pas que c’est grâce à des enduits peints qu’on a pu préciser la datation de la villa : une phase de 30-40 ap. J.-C., une de 100-120 ap. J.-C., et une troisième plus tardive (IVe-VIe siècles).

L’autobus de cinquante personnes, parti des Quinconces à Bordeaux, longe l’estuaire, permettant une lecture de paysages et de textes au gré des sites (L. Gré-Beauvais et M.-H. Maffre), de l’histoire et des hommes qui ont marqué cette zone du Cubzaguais et les Côtes de Bourg et Blaye. Parmi les sites les plus importants :

Le château du Bouilh et ses jardins, édifié par Victor Louis entre 1787 et 1789 pour Jean-Frédéric de la Tour du Pin Gouvernet. Les travaux furent interrompus dès qu’il est nommé ministre de la Guerre de Louis XVI. Le château privé est depuis quelques années laissé à l’abandon. Les mémoires de la marquise de la Tour du Pin : Henriette Lucy Dillon (1770-1853), qui échappa à la Terreur et fuit en Amérique, portant sur la fin de l’Ancien Régime, la Révolution et l’Empire sont évoqués.

Fig. 1 : Château de Bouilh

La grotte ornée de Pair-Non-Pair, à Prignac-et-Marcamps, reste essentielle pour la datation de l’art pariétal. Elle est l’une des seules qui fut habitée, près de 60 000 ans, au Paléolithique, depuis l’homme de Neandertal jusqu’à Cro-Magnon. C’est François Daleau en 1881 qui y mena l’une des premières fouilles scientifiques (carnets au Musée d’Aquitaine), et permit de dater l’occupation et les gravures entre 50 000 et 30 000 ans av. J.-C. prouvant ainsi que l’art pariétal préhistorique est une réalité. Ouverte au public et remarquablement conservée : visite à conseiller.

Bayon et son église « restaurée » avec le porche du XIXe s. Son clocher visible depuis l’estuaire sert toujours d’amer aux navigateurs.

Laissant sur la gauche l’impressionnant rempart médiéval de Bourg édifié pendant la période anglo-gasconne du duché d’Aquitaine, nous rejoignons Plassac au bord de l’estuaire, avec passage le long de l’estey qui nous rappelle les marées et les bateliers de l’estuaire depuis l’époque romaine avec les coques échouées sur la vase à marée basse. Ausone écrit à son ami Théon le Médocain et l’invite à profiter des marées pour le rejoindre sur la Dordogne, non loin de Bourg.

Notre visite de la villa gallo-romaine de Plassac (cf. articles de A. Barbet et de J.-P. Bost, à paraître), avec rotation de deux groupes de vingt-cinq personnes, fut passionnante grâce à l’accueil de M. Dubourg (des Amis de Plassac), et à Alix Barbet (peintures), J.-P. Bost (histoire du site et évocation des marbres pyrénéens trouvés sur place), Bruno Cahuzac (géologie sur les murs du musée et des maisons voisines), Benoit Odaert (monnaies / dont celle de Tetricus empereur des Gaules), L. Gré-Beauvais (amphores, graffiti, objets divers). La présentation du site et des mosaïques, objet d’une ambitieuse remise en valeur, est assurée par une médiatrice du musée (Fig. 2-3). Des projets de fouilles sont envisagés et une nouvelle modélisation 3D (rendu des 5 000 m2 des trois phases de la villa en réalité virtuelle) est en voie de finalisation.

Fig. 2
Fig. 3

Blaye : notre route nous emmène pour le déjeuner vers la citadelle de Blaye, au son de l’Avis de Vauban sur le Bâtiment et les entrepreneurs de son temps, d’une grande modernité encore aujourd’hui. Malheureusement, la pluie menace et le gel a frappé la nuit précédente les vignes de nos restaurateurs, désorganisant quelque peu le service, et nous regretterons de n’avoir pu déjeuner dehors… Les poètes et les vins du terroir nous accompagnent, Chanson de Roland dans la chronique du pseudo-Turpin (XIIIe s.), « Sur de grandes nefs, Charles traverse la Gironde. Il conduit jusqu’à Blaye le corps de son neveu, celui d’Olivier le noble compagnon de Roland, celui de l’Archevêque qui fut si preux et si sage. On dépose les trois seigneurs en des tombeaux de marbre blanc. À Saint-Romain, maintenant gisent les barons ».

Jaufré Rudel (troubadour du XIIe s.) connu pour sa passion pour Mélissinde, et les poèmes courtois qu’il lui adressa.

L’après-midi est confiée aux soins de la Société linnéenne, qui brave avec élan toutes les intempéries pour nous faire découvrir la corniche de Bourg et ses belles orchidées à La Roque-de-Thau, ainsi que les affleurements géologiques de l’ère tertiaire… Enthousiasme, petits sentiers bucoliques, carrières et commentaires épiques, firent vite oublier mauvais temps et bourrasques.

Bravo à tous pour cette journée pluridisciplinaire réussie et à renouveler sans modération chaque année !

Laurence Gré-Beauvais

  • Château du Bouilh : cf. Taillard (Christian), Le triomphe du goût français (1731-1800), Paris, PUF, 2009.
  • La grotte de Pair-non-Pair : à Prignac-et-Marcamps (Gironde). Société archéologique de Bordeaux, 2006.
  • Delluc (B. & G.), « Dix observations graphiques sur la grotte ornée de Pair-non-Pair (Prignac-et-Marcamps, Gironde) ». Bull. Soc. préhist. Fr., 94-1 (1997), p. 41-50.

La Roque de Thau, commune de Gauriac : excursion naturaliste (Société Linnéenne de Bordeaux) :

Entre fleuve et falaise, la corniche de la Gironde offre un point de vue inégalable sur l’estuaire, ses îles, le Médoc et le bec d’Ambès. Tout au long de la route se succèdent des hameaux pittoresques. Les maisons de pêcheurs côtoient celles des capitaines au long cours, les habitations troglodytiques s’accrochent aux parois de la falaise, les cabanes à carrelets tendent leurs filets.

 

  1. Botanique-écologie :

Les 23 hectares du site naturel de Mugron permettent au promeneur de découvrir une végétation à affinité méditerranéenne, rare dans la région.

Les coteaux de Mugron sont situés sur un affleurement calcaire prenant la forme d’une petite colline (Fig. 4-5). Parmi les taillis de chêne vert, d’aubépine et de cornouillers, s’ouvrent de petites clairières recouvertes de pelouse. C’est ici que prospèrent plusieurs espèces d’orchidées. De nombreux papillons, dont quelques espèces rares, se rencontrent également sur le coteau.

Fig. 4
Fig. 5

En bordure de la D 22, ce coteau est connu pour sa flore exceptionnelle et diversifiée (souligné : orchidées) : Allium sphaerocephalon, Orchis anthropophora, Arbutus unedo, Galatella linosyris, Cephalanthera rubra, Coronilla scorpioides, Globularia bisnagarica, Helianthemum apenninum, Helichrysum stoechas, Himantoglossum hircinum, Lathyrus sphaericus, Buglossoides purpureocaeruleum, Medicago orbicularis, Ononis natrix subsp. natrix, Ophrys apifera, Ophrys araneola, Ophrys insectifera, Ophrys passionis, Ophrys scolopax, Osyris alba, Phillyrea latifolia, Prunella laciniata, Sedum ochroleucum, Seseli montanum subsp. montanum, Tanacetum corymbosum subsp. corymbosum, Trifolium angustifolium…

Ces coteaux qui furent jadis exploités (pierres de taille, dépôt militaire) ont été reconquis par une végétation maintenant bien établie.

 

  1. Aperçu géologique :

Le Tertiaire calcaire affleure bien dans ce secteur. On y voit des formations lacustres blanchâtres datant de la fin de l’Éocène et du début de l’Oligocène, en bord de route (escarpements). Des calcaires et marnes correspondent au calcaire de Castillon qui surmonte les molasses du Fronsadais, de faciès continental deltaïque.

Fig. 6

Plus haut s’observent en transgression les couches marines fossilifères du calcaire à Astéries (Oligocène) ou « pierre de Bordeaux », notamment dans d’anciennes carrières exploitées vers le haut du plateau (Fig. 6) : ce sont des dépôts littoraux, sous climat tropical, et en milieux agités (courants, marées, vagues…), ce qui explique que les fossiles sont en général en fragments de petite taille ; cf. cadre géologique dans le document Siges Aquitaine, téléchargeable à : http://sigesaqi.brgm.fr/-3-Roque-de-Thau-commune-de-Gauriac-.html

Michèle Dupain & Bruno Cahuzac