mai/juin 2019
La guerre fut donc déclarée à la Prusse, et conséquemment à toute l’Allemagne, le 19 juillet 1870. Mobilisation et concentration de l’armée française se firent simultanément, dans le désordre.
L’armée impériale
Dès le 22 juillet, le 6e dragons caserné à Bordeaux (3e escadron de dépôt) et Libourne (3 escadrons de guerre) part de Bordeaux à 4 heures pour Lyon ; le 23, ce sont les trois premiers bataillons du 31e de ligne qui partent pour le camp de Châlons-sur-Marne, le 4e reste à Bordeaux, servant de dépôt. Dragons et lignards sont d’abord à l’armée du Rhin (Mac-Mahon), les cavaliers à la 2e brigade de la division de cavalerie du 7e corps d’armée (Douay), les fantassins à la 2e brigade de la 2e division d’infanterie du 6e corps d’armée (Canrobert). Le 14 août le 6e corps participe à la bataille de Borny-Colombey (sud-est de Metz).
Le 17 août, est constituée à partir du Rhin l’armée de Châlons (Mac-Mahon). Les 6e dragons (comme précédemment) et 31e de ligne (2e brigade de la 2e division d’infanterie du 12e corps d’armée) (Lebrun) en sont. Le 1er septembre, ce dernier est à Balan, où Mac-Mahon est blessé au début de la bataille de Sedan, et compris dans la capitulation de Sedan part en captivité. Le 4 septembre, l’Empire est déchu et la République proclamée.
15e corps et 1re armée de la Loire
Le 6e dragons avait été envoyé à Paris puis Reims où la nouvelle du désastre l’expédie à Chartres puis Orléans, à la 1re armée de la Loire composée du 15e corps d’armée (Lamotte-Rouge) constituée des bribes de l’armée impériale, de régiments de marche formés à partir des compagnies de dépôt des unités d’actives, et des premiers régiments de mobiles. Il combat à la Croix Briquet (commune de Chevilly, 45), le 26 septembre, puis à Artenay (45), le 10 octobre. Le 11 octobre, Lamotte-Rouge est remplacée par d’Aurelle de Paladines qui organise la 1re armée de la Loire. Le 9 novembre, les dragons s’emparent à Saint-Péravy (45) d’un convoi allemand. Après la seconde occupation allemande d’Orléans, le 4 décembre, d’Aurelle de Paladine est démis, et l’armée de la Loire scindée en deux : les 15e (sauf le 6e dragons), 18e et 20e corps forment l’armée de l’Est (Bourbaki), les 16e et 17e corps forment la 2e armée de la Loire (Chanzy). Le 6e dragons ne rejoint Bourbaki qu’en janvier, après avoir repris Poupry à l’ennemi, le 2 décembre, et affronté les hussards de Posen, le 7 décembre, à Nouan-le-Fuzelier (41). Il se distingue au village des Planches, dans le secteur de Montbéliard (25), le 29 janvier, avant de retraiter, pour échapper à l’internement en Suisse sur Gex, vers Châlons-sur-Marne puis Libourne où, en mars, son 3e escadron qui avait participé à la création du 3e régiment de marche de dragons le rejoint.
Dès début août de nombreux Girondins s’engagent pour la durée de la guerre, la plupart au 31e de ligne. Ils forment une compagnie de marche qui intègre le 36e de marche, et combattent à Torçay (28), le 17 novembre, puis, le 6 janvier 1871 au Gué-du-Loir (cne de Mazangé, 28).
Le 14 octobre, le 36e de marche, formé à Bordeaux de 3 600 hommes de divers dépôts, caserné au petit séminaire du cours Saint-Jean (depuis de la Marne) passe sa revue de départ. Son comportement, le 9 novembre, à Coulmiers (45), rare succès français, le fait citer à l’ordre de l’armée.
Les mobiles de la Gironde
Le 1er janvier 1868, la loi Niel créait une garde nationale en deux parties : mobile et sédentaire. Faisaient partie de la première les jeunes gens de 21 à 25 ans qui, bien qu’aptes, n’avaient pas effectué leur service militaire (bons numéros, remplacés, exemptés, etc.). La Gironde forma quatre bataillons à sept compagnies de 150 à 200 hommes (plus une de dépôt) devant constituer un régiment. Les officiers furent nommés à l’été 1869. Le recrutement des bataillons s’effectuait dans un cadre géographique : le 1er (d’Antin) fut organisé à Bazas avec des mobiles des arrondissements de Bazas, La Réole et cinq cantons de celui de Bordeaux ; le 2e (Pineau) à Lesparre (arr. Lesparre, Blaye) ; le 3e (Carayon Latour) à Bordeaux (Bordeaux ville et cantons environnants) ; le 4e (Horeau) à Libourne (Libourne, La Réole). Après s’être exercé depuis la mi-août, ils partirent de Bordeaux pour l’armée de la Loire fin septembre : le 3e le 25, le 4e le 26, le 1er le 28, et le 2e seulement le 9 octobre.
Fin octobre, à Salbris (41), les 1er, 2e et 4e constituèrent le 25e régiment de mobiles alias de marche (lt-cel Dartigolles) (1re brigade de la 2e division du 15e corps) comptant 3 591 hommes. Le 9 novembre, lors de la bataille de Coulmiers, il est stationné à Thorigny et reste en réserve. Le 11, il s’installe à Gidy (45) puis participe à la bataille d’Orléans (1er-4 décembre) au centre du dispositif français, défendant pied à pied Artenay, Cercottes, Chevilly, les hauteurs de Montjoie, perdant 329 morts, blessés ou disparus et 315 prisonniers. Le 4 décembre, vers minuit, il évacue Orléans et passe sur la rive gauche de la Loire pour aller se reformer, le 6, à Lamotte-Beuvron (41). Désormais à l’armée de l’Est (le 15e corps est alors commandé par Martineau des Chesnez), le 25e mobiles traverse par marches et contre-marches le département du Cher et parvient à Dijon (21) le 9 janvier 1871. Du 15 au 17 janvier, lors de la bataille d’Héricourt (70), il supporte trois jours durant le feu des batteries allemandes sur le Mont-Chevis (faubourg de Montbéliard, 25). Puis il retraite, avec le 39e de marche sur Baume-les-Dames (25) et Besançon (25) protégeant la retraite de Bourbaki vers la Suisse, sans cesser de combattre. L’armistice du 28 janvier ayant exclu l’armée de l’Est, la 1re compagnie du 1er bataillon et des isolés (environ 200 hommes) sont internés en Suisse, tandis que la majorité du régiment échappant à l’encerclement séjourne de février au 22 mars 1871 à Pugey (25). Les internés sont répartis, avec des mobiles corses et du 3e bataillon girondin entre Saint-Gall et Saint-Fiden (canton de Saint-Gall), Lausanne, Bex, Aigle (Vaud), Bischofszell (Thurgovie), Soleure (Soleure), Brugg, Lenzbourg (Argovie), Hœchstetten (Berne) et Zurich (Zurich). Après la signature des préliminaires de paix, du 26 février 1871, le 25e mobiles est licencié à Besançon, le 18 mars, et ses débris (800 hommes) rentrent à Bordeaux par voie ferrée le 28.
Lorsqu’on évoque les mobiles de la Gironde, l’on pense généralement à Joseph de Carayon Latour et son 3e bataillon. Celui-ci n’est finalement pas enrégimenté. Parti de Bordeaux le 25 septembre il arrive à Lyon (69) dans la nuit du 27 au 28. Il séjourne dans la région lyonnaise jusqu’au 20 novembre, où il est affecté à la 1re brigade de la division Cremer (3e du 24e corps d’armée), qu’il rejoint à Beaune, le 26. Il connaît son baptême du feu le 2 décembre à Bligny-sur-Ouche (21) repoussant une reconnaissance allemande. Le 18 décembre c’est la bataille de Nuits (Nuits-Saint-Georges, 21) contre les Badois où le bataillon s’illustre brillamment, bien que ce soit une défaite française. Le lendemain Carayon Latour refuse sa promotion de lieutenant-colonel du 89e de marche pour ne pas quitter ses mobiles. On retrouve le bataillon fin décembre 1870-début janvier 1871 à Beaune, Dijon et Lure (70). Le 15 janvier il est à Étobon (70), et les 16 et 17 janvier, avec le 18e corps (Penhoat) repousse l’offensive badoise sur Chenebier (70). Enfin, le 20 janvier, couvrant la retraite du 18e corps, il procède à un dernier échange de coups de feu près de Villers-la-Ville (70), après quoi, le 1er février 1871 il est interné en Suisse, ses hommes répartis entre Lausanne et Vevey. Les survivants retrouvent Bordeaux le 15 mars 1871.
Deux bataillons supplémentaires vont être levés par le gouvernement de la Défense nationale (après le 4 septembre 1870). Le 6e bataillon (Gautereau) est formé à partir du dépôt du 4e, de Libourne mais comprend des Bordelais. Il séjourne quelques jours, début décembre, à Bordeaux, avant d’en partir, dans la nuit du 8 au 9, pour prendre la place du 5e bataillon, le 23 décembre, au camp de la Sansurière (cne Doville, 50). Il forme, avec un bataillon de mobiles de Charente-Inférieure, le 95e mobiles (1re brigade de la 1re division du 19e corps, Dargent). Il n’a pas l’occasion d’aller au feu. Il finit la guerre au camp de Courtenay aux confins des Deux-Sèvres.
Le 5e bataillon (Arnould) compte 1 280 hommes provenant principalement des dépôts des 1er et 3e bataillons, mais aussi en forte proportion de la classe 1870, mobilisable en 1871 mais dont l’appel est avancé. Convoqué le 6 octobre, il est formé, pour les compagnies bordelaises, à la caserne Cursol et manœuvre sur les Quinconces. Son commandant, Pierre Isidore Arnould, est nommé début novembre. Le 12 novembre 1870, les compagnies bazadaises rejoignent Bordeaux et le bataillon est cantonné barrière de Pessac en divers établissements. Le 23 novembre, le bataillon quitte Bordeaux pour La Roche-Sur-Yon (86) via La Rochelle (17), puis Les Sables-d’Olonne (86), le camp de la Sansurière (17-23 décembre), Le Mans (72) où, le 24, il constitue avec les 6e bataillon de Vendée et 5e du Lot-et-Garonne, le 78e mobiles (Lautrec) (1re brigade de la 3e division du 21e corps) (Jaurès). Il est engagé, le 12 janvier 1871, en deux points de la bataille du Mans : aux combats de Chanteloup (cne Sillé-le-Philippe) pour les 2e, 3e, 6e et 7e compagnies, et de Touvois (cne Savigné-l’Évêque) pour les 1re, 4e et 5e, affrontant les Mecklembourgeois. Arnould est tué. À la nuit, les 2e, 6e et 7e cies sont capturées, la 3e échappant à l’encerclement rejoint quelques jours plus tard les trois autres compagnies qui retraitent, et se battent encore à Sillé-le-Guillaume (72), le 15 janvier. Du 17 janvier au 12 février, le bataillon est en Mayenne, à Contest et Commer. Puis le 21e corps rejoint Laval (53), Angers (49), Loudun (86). Le 10 mars 1871, le bataillon est licencié, et, le 26, ses 400 hommes voient Bordeaux depuis Lormont. De leur côté, les prisonniers arrivent à Berlin, le 29 janvier, et sont répartis dans diverses villes allemandes (Bromberg, Francfort…), et ne rentrent qu’après le traité de paix.
La garde mobile comportait aussi des batteries d’artillerie. La Gironde en fournit trois, formées à Blaye. Aucune ne combat. À la fin de la guerre les 1re et 2e sont à Lyon, la 3e en cours de formation. S’ajoutent deux batteries de mitrailleuses affectées à la réserve du 19e corps, sur la ligne de défense de Carentan. Il n’était pas prévu de cavalerie. Néanmoins, Bourgoing, écuyer de l’empereur, tente en décembre 1870 de monter un régiment de mobiles à cheval composé de volontaires.
Mobilisés et sédentaires
La garde nationale sédentaire concerne tous les hommes aptes de 26 à 40 ans. Le recrutement est territorial ; compagnies de 100 à 250 hommes par communes, réunies de quatre à dix en bataillons cantonaux dans des légions (régiments) d’arrondissement. À l’exception des colonels et lieutenants-colonels des légions, tous les gradés sont élus par les gardes. Sa fonction était de maintenir l’ordre et de combattre l’ennemi, si celui-ci arrivait dans les limites primitivement du canton rapidement élargies au département. Appelée dès le 10 août 1870, et placée sous le commandement d’O. de Lacolonge, elle totalise au 27 février 1871 15 609 hommes.
Devant reconstituer une armée, le gouvernement de la Défense nationale décide, le 29 septembre, de mobiliser une partie de la garde nationale sédentaire. Des décrets des 2 et 7 novembre mobilisent les hommes de 21 à 40 ans, célibataires ou veufs sans charge de famille. La Gironde constitue quatre légions à quatre bataillons. La 1re (Coulon) composée de Bordelais et de banlieusards compte 2 256 h et forme avec la 2e (Baril), qui a 2 399 h (3 bataillons de Bordelais et un de Médocains) la 2e brigade de la 1re division d’infanterie du 19e corps au camp de Cherbourg. Elles quittent Bordeaux les 16 et 17 (1re) et 12 et 14 décembre (2e). En chemin, le 20 décembre, le 2e bataillon de la 2e légion est distrait pour prêter main forte aux troupes affrontant à Monnaie (37) l’ennemi, et subit quelques blessés. La 3e (Ringot), avec 2 225 h réunit 2 bataillons de l’arrondissement de Libourne et un de celui de Blaye, et constitue avec la 4e (Pellias) et ses 3 bataillons des arrondissements réolais et bazadais (1 725 hommes) la 3e brigade de la 2e division du 25e corps (Pourcet). Elles partent les 25 et 29 (3e) et 23 décembre (4e) pour Vierzon (18). Sont également formés : une compagnie de marins (83 hommes ; départ 12 et 14 décembre) ; deux compagnies du génie (total 329 hommes ; 14 janvier) ; un escadron de cavalerie (173 hommes ; 20 janvier) et deux batteries d’artillerie (total 410 hommes ; 12 janvier).
Il nous reste à évoquer dans un prochain article, les corps-francs girondins.
Jean-Paul CASSE
Centre Généalogique du Sud-Ouest
[*]. Cet article est la suite de celui du n° 395-396 de janvier-février 2019 et sera suivi d’un troisième portant sur les corps-francs girondins.