mai/juin 2009
Le Muséum d’Histoire naturelle de Bordeaux figure parmi les premières collections publiques créées au lendemain de la Révolution française à partir de Cabinets privés. La collection générale de zoologie est composée de spécimens du monde entier de mammifères, oiseaux, reptiles, poissons mais aussi cœlentérés, mollusques (importante collection de coquillages), crustacés et petite collection d’insectes (papillons en particulier). La diversité de la collection témoigne de l’importance de l’activité maritime de Bordeaux aux XVIIIe et XIXe siècles C’est un musée municipal, contrôlé par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (comme l’ensemble des muséums d’Histoire naturelle). C’est aussi un « Musée de France » (selon la loi sur les musées de 2002) qui se conforme donc aux préconisations de la Direction des Musées de France (Ministère de la Culture).
Les bâtiments : Le Cabinet d’Histoire naturelle prit d’abord place dans l’ancien Hôtel de l’Académie, près de l’église Notre-Dame, avec l’ensemble des établissements culturels constituant « le Musée » inauguré en 1811. Il fut transféré, en 1862, dans le bâtiment actuel, un hôtel particulier donnant sur le Jardin Public, et prit alors le nom de Muséum d’Histoire naturelle. Ce bâtiment avait été construit entre 1778 et 1781 par Richard François Bonfin, architecte de ,la Ville, et prit le nom de son commanditaire, Nicolas de Lisleferme. Acquis par la Ville en 1857, l’Hôtel de Lisleferme subit alors d’importantes modifications pour sa transformation en Musée. Toutefois la façade, la rampe en fer forgé originale de l’escalier et le salon de compagnie (dit salon ovale, dont les boiseries sont attribuées au sculpteur Cabirol) subsistent du bâtiment originel.
Les collections de fondation : La première collection qui entre dans les fonds de la ville, en 1791, est celle de François-de-Paule Latapie (1739-1823), disciple de Montesquieu, Inspecteur général des arts et manufactures de » Guienne « . Celui-ci doit abandonner son poste lorsque la Révolution éclate et se réfugie au milieu de ses livres et ses collections minéralogiques et herbiers. Il propose son Cabinet d’histoire naturelle et sa bibliothèque à la Commune de Bordeaux en échange d’une rente et du poste de professeur de botanique. La collection Latapie est originale à deux titres :
– elle entre dans les fonds publics parmi les premières, deux ans avant la fondation du Muséum de Paris, dix ans avant la création des « Musées Chaptal » issus de dépôts nationaux ;
– elle résulte d’une négociation réalisée dans le contexte et les années de la Révolution mais non d’une saisie.
C’est en effet la Révolution qui est à l’origine de la création des collections publiques, se substituant à grand nombre de collections privées de particuliers ou d’institutions, sociétés savantes, maisons religieuses etc. A Bordeaux, ces collections vont se constituer autour de l’ancienne Académie à partir des dépôts formés dès 1791. Pour ce qui est de l’Histoire naturelle, les collections de l’ancienne Académie étaient assez modestes et n’ont été que peu enrichies par les saisies effectuées à partir de 1792.
Le 15 prairial de l’an XII (4 juin 1804), Bernard Journu-Auber, comte de Tustal, offre son Cabinet d’histoire naturelle à la Ville de Bordeaux, émettant le souhait que celle-ci nomme un conservateur des collections et demande que celles-ci soient disposées « de manière que ses concitoyens puissent facilement en jouir ». C’est cette collection qui fondera véritablement le Cabinet d’Histoire naturelle. Aménagé dès 1754, le cabinet est l’oeuvre de Bonaventure Journu (1717-1781), père du donateur, négociant et richissime armateur. Une exposition et une manifestation permirent de célébrer, en juin 2004, le bicentenaire de cette donation.
Gestion et enrichissement des collections : Le premier responsable des collections, nommé le 28 août 1810, est Raymond Dargelas, le premier de dix conservateurs qui se succèderont jusqu’à aujourd’hui. En 1830, la Société Linnéenne décide de créer un Cabinet d’Histoire naturelle strictement régional. Une collection se constitue mais elle est vite augmentée de nombreux apports exotiques de sorte que le nombre de vitrines nécessaires étant plus important que prévu, la Société renonce. Grâce à Dargelas, les objets qui avaient été réunis dans ce but ont été recueillis et ajoutés aux collections du Cabinet. Antoine-Hippolyte Gachet (assistant : 1835-1837, directeur : 1837-1842), naturaliste et voyageur, rapporte des Philippines, du Pérou et du Chili quantité de notes et de spécimens qu’il classe « selon la méthode naturelle ». La direction de Henry Burguet (1842-1853) est marquée par l’orientation régionale qu’il donne au Cabinet. Selon lui, l’étude de la faune régionale « offre un intérêt bien supérieur à celui des espèces exotiques ». A la tête du Muséum durant 38 années, le Dr Pierre-Bernard-Marie Saint-Martin Souverbie (1853-1891) a la charge, en 1862, du déménagement de la rue Jean-Jacques Bel à l’Hôtel de Lisleferme. Jean-Emmanuel Fallot (Directeur scientifique : 1891-1898) établit une collection de géologie régionale, mais surtout, c’est à son initiative que l’éléphant d’Asie, « Miss Fanny » de la ménagerie Pianet, morte sur les Quinconces en mars 1892, entre, naturalisée, au Muséum le 13 mai de la même année. Joseph Künstler (conservateur-directeur : 1898-1920) exprime des idées muséologiques très novatrices. Il diversifie les collections par l’acquisition de préparations d’embryologie et de modèles anatomiques (dissections) en plâtre et constitue la collection de chiens. Des collections majeures de paléontologie et de géologie sont acquises par Joseph Jacques Chaine (assistant : 1903-1920, directeur : 1920-1954) qui fait aussi monter les grands squelettes en vue de la nouvelle salle d’ostéologie, inaugurée en 1932. Dans la perspective du centenaire de l’installation du Muséum dans les locaux actuels, Michel Vigneaux (professeur-directeur : 1957-1979, directeur scientifique : 1979-1989) obtient une campagne de travaux (le Muséum fut fermé pour deux ans). A la réouverture, 5000 visiteurs s’y pressèrent durant le mois de janvier 1963. Janine Prud’homme (conservateur : 1979-1989, directrice : 1989-1992) initie l’orientation du Muséum vers le public que souhaitait donner Michel Vigneaux, en créant ou accueillant les toutes premières expositions temporaires. Mais elle doit aussi gérer l’inondation qui, en 1982, l’obligera à démonter la salle d’ostéologie et à déménager l’ensemble des collections du rez-de-chaussée.
Les nouvelles orientations : Depuis 1992, nous avons poursuivi et développé la politique culturelle engagée avec Janine Prud’homme, sous la forme d’expositions temporaires (3 à 5 par an) et de programmes d’animations pour les jeunes ou de conférences pour les adultes.
A partir de 2000, nous avons engagé le « chantier des collections » avec un programme d’informatisation de l’inventaire (à ce jour 35 000 notices illustrées d’environ 60 000 photographies) et un programme de restaurations (plus de 900 spécimens naturalisés restaurés).
En juillet 2006, un projet de rénovation a été voté, validant un projet scientifique et un programme technique proposant, en même temps que la mise en sécurité, une présentation des collections entièrement repensée.
L’équipe lauréate du concours d’architecture organisé par la ville est le groupement Basalt Architecture mandataire, associé pour la muséographie à Die Werft avec Coplan et Impédance. Elle propose des solutions très respectueuses du bâtiment, créant une transition douce avec le jardin et permettant une utilisation optimale des surfaces disponibles. La rénovation engagée par la ville devrait permettre, dès la réouverture prévue en 2012, de disposer d’un équipement culturel, conciliant plaisir et confort du public et conservation des collections témoignant tant de l’histoire portuaire de la ville que de la richesse de l’arrière-pays. .
Nathalie Mémoire
Conservateur, directrice du Muséum d’Histoire naturelle de Bordeaux