La mesure du temps

novembre/décembre 2016

Dans le passé lointain, la mesure du temps est essentiellement liée à la nécessité de prévoir le retour des saisons, en particulier avant l’apparition de la saison froide afin d’assurer des réserves alimentaires suffisantes pour l’hiver : le rythme du Soleil s’impose à l’homme. Mais l’année solaire va être en compétition avec une autre unité naturelle : la lunaison. Ce sont ces deux unités qui sont à la base de la constitution des calendriers.

1. Cadran solaire de Cracovie

Les cadrans solaires

On avait remarqué depuis longtemps que l’ombre d’un bâton planté en terre varie au cours de la journée en produisant l’ombre la plus courte à midi. Les cadrans solaires les plus élémentaires sont composés d’un bâton vertical (appelé encore gnomon du grec connaître) dont l’ombre est projetée sur une graduation horizontale. Le cadran le plus ancien qui nous soit parvenu date de 1500 avant J.-C.; ce cadran égyptien est constitué d’une tige graduée sur laquelle on lit l’heure grâce à l’ombre donnée par un T placé à l’extrémité de la tige. Cet instrument était incapable de donner des mesures correctes le matin et le soir en raison de la grande longueur de l’ombre. D’autre part, ce cadran de type horizontal à graduation unique ne peut tenir compte de la variation de hauteur du Soleil suivant les saisons : l’erreur peut atteindre quarante minutes à certaines dates.

2. Clepsydre

Les clepsydres

Plusieurs millénaires avant J.-C., les égyptiens utilisaient déjà l’horloge à eau : la plus ancienne conservée au musée du Caire remonte à 3500 avant J.-C. sous le règne d’Aménophis III. On la rencontre par la suite sur tous les continents où elle va être redécouverte ou copiée : Chine, Amérique, Grèce… Ce sont les Grecs qui ont donné à cet instrument le nom de clepsydre (klepsydria = voleur d’eau) pour rappeler qu’il servait à limiter le temps de plaidoirie dans les tribunaux où les avocats avaient la fâcheuse tendance de dépasser leur temps de parole. Dans les premières clepsydres construites sur un modèle très simple, le récipient en albâtre est percé d’un trou à la base et l’heure est donnée par le niveau du liquide. Malgré sa simplicité c’est un appareil difficile à graduer et à régler pour de nombreuses raisons : la viscosité de l’eau varie avec la température, l’orifice se bouche ou au contraire s’agrandit. Le débit dépendant de la hauteur du liquide, les égyptiens compensaient imparfaitement la variation du débit en utilisant un récipient de forme évasée. Autre difficulté de taille, l’horloge à eau doit être adaptée aux heures temporaires qui partagent le jour et la nuit en 12 parties égales aussi bien en hiver qu’en été.

Au IVe siècle, le physicien grec Ctésibios d’Alexandrie, inventeur d’un orgue hydraulique, conçoit la clepsydre à flotteur (figure) avec laquelle il régule l’élévation du niveau du liquide dans un récipient auxiliaire alimenté par un débit constant. Le débit est maintenu uniforme grâce à un ingénieux système analogue au principe du carburateur de nos voitures : quand le niveau monte, le flotteur monte également et obstrue l’arrivée d’eau et inversement, l’eau s’écoule dès que le niveau et le flotteur descendent. Finalement à la base, la pression étant constante, un débit permanent alimente le récipient de mesure dans lequel le niveau monte régulièrement. Les clepsydres ne sont pas seulement des appoints des cadrans solaires pour la nuit et par temps de brouillard car dans les tribunaux romains, le temps de parole des deux parties est contrôlé par des horloges à eau constituées de vases à fond percé qui se vident en 20 minutes.

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Le sablier

Le sablier nécessite le savoir-faire d’un verrier pour réaliser le récipient hermétique où le sable est maintenu à l’abri de l’humidité. Il apparaît tardivement (on attribue sa découverte à un moine de Chartres au VIIIe siècle). L’écoulement du sable, beaucoup moins fluide que l’eau, est difficile à maîtriser mais il a l’avantage de ne pas geler ! Il est mieux approprié aux courtes durées et au XVIe siècle on le rencontre partout : dans les cuisines, dans les églises pour limiter la durée des sermons, à l’école, au travail… Les cuisinières n’ont pas toujours eu un sablier et autrefois on avait recours à des compteurs originaux. Par exemple on savait que le temps de réciter un  » Ave  » correspondait à la durée nécessaire à la cuisson d’un œuf à la coque. Sur les bateaux, le sablier est utilisé, soit associé à la corde à nœuds (loch) pour mesurer la vitesse du bateau, soit pour définir le service à bord avec le sablier de quatre heures (dont on a tiré le nom de quart).

Par contre, le sablier est peu commode pour les longues durées car il faut le retourner souvent et on tente de le remplacer par des horloges à feu, à chandelle et à huile. C’est par exemple la hauteur de la chandelle ou le niveau d’huile qui détermine l’écoulement du temps. Ces dispositifs sont peu pratiques et dangereux mais ils peuvent remplacer utilement les clepsydres en période de sécheresse. Le physicien Bouasse décrit un réveille-matin astucieux constitué d’une bougie dans laquelle on enfonce une aiguille. À celle-ci on attache un objet métallique et quand le temps prévu s’est écoulé, cet objet tombe avec l’aiguille en faisant du bruit !

Au IVe siècle, le physicien grec Ctésibios d’Alexandrie, inventeur d’un orgue hydraulique, conçoit la clepsydre à flotteur (figure) avec laquelle il régule l’élévation du niveau du liquide dans un récipient auxiliaire alimenté par un débit constant. Le débit est maintenu uniforme grâce à un ingénieux système analogue au principe du carburateur de nos voitures : quand le niveau monte, le flotteur monte également et obstrue l’arrivée d’eau et inversement, l’eau s’écoule dès que le niveau et le flotteur descendent. Finalement à la base, la pression étant constante, un débit permanent alimente le récipient de mesure dans lequel le niveau monte régulièrement. Les clepsydres ne sont pas seulement des appoints des cadrans solaires pour la nuit et par temps de brouillard car dans les tribunaux romains, le temps de parole des deux parties est contrôlé par des horloges à eau constituées de vases à fond percé qui se vident en 20 minutes.

4. Horloge astronomique de Prague

Les horloges

Une horloge (du grec hora = heure et legein = dire) au sens moderne du terme comporte trois pièces essentielles : une source d’énergie (poids, ressort), un régulateur oscillant (pendule, ressort, balancier) et un organe appelé échappement qui a un double rôle : faire avancer les engrenages en phase avec l’oscillateur et restituer au pendule l’énergie dissipée par amortissement. Pour éviter la transition entre le jour et la nuit qui impose de passer du cadran à la clepsydre, il faut maîtriser les courtes durées inférieures à l’heure et pour cela fabriquer des systèmes mécaniques. C’est ainsi que les garde-temps apparaissent dans la première partie du deuxième millénaire. On attribue l’invention de l’horloge à Gerbert (952-1003) mais rien n’atteste cette invention car le sens exact d’orologum signifie aussi bien horloge, que cadran solaire, que sablier. Une horloge à poids est décrite en 1276 sans laisser de traces mais la véritable horloge mécanique apparaît réellement en 1370 avec un système de régulation appelé foliot. Le gain en fiabilité et en précision dans l’histoire de l’horlogerie est une aventure extraordinaire, essentiellement technologique et qui sort de nos propos.

La seconde

La plus ancienne mesure du temps repose sur la durée du jour qui est divisée en 86 400 secondes. Par convention, on a choisi une échelle de référence correspondant au méridien de Greenwich. Ce temps universel est noté TU ou UT (notation anglo-saxonne). En 1961, la seconde de temps des Ephémérides (TE) devient la seconde du Système International. En 1955 les physiciens Essen et Parry réalisent le premier étalon atomique à l’aide d’un maser à césium 133 à 9 GHz. C’est le point de départ de la lignée des étalons de temps à césium qui sont adoptés en 1967 dans la définition de la seconde de temps atomique (TA).

Jean-Paul PARISOT
Emprunté à la revue de la Société Astronomique de Bordeaux
Astronomie Passion no 5