La découverte des Rayons Ultra X dits « Rayons cosmiques »

janvier/février 2009

La découverte des Rayons Ultra X

dits « Rayons cosmiques »

Ils doivent être appelés Rayons NODON-MILLIKAN.

La courageuse et remarquable ascension du professeur Piccard et de Kipfer dans la stratosphère vient d’être l’objet de nombreuses études où la question des Rayons Ultra X occupe la place la plus importante. La connaissance de ces Rayons Ultra-pénétrants va certainement jouer dans la physique de l’avenir un rôle d’importance primordiale. Aussi est-il nécessaire de savoir exactement quelle est la part, dans cette nouvelle conquête de l’esprit humain, de chacun des savants qui s’en sont occupés. Il y en a un certain nombre ; il est donc indispensable de préciser, en les résumant, le travail et le rôle de chacun d’entre eux. C’est une question de justice et de probité scientifique. On tend à appeler ces radiations les « Rayons Millikan ». Or le professeur Millikan ne les a nullement découverts. Divers savants s’en sont occupés bien avant lui et la priorité de la mise en évidence de ces Rayons Ultra-pénétrants est incontestablement due au physicien français Albert Nodon, président de la Société astronomique de Bordeaux, qui a fait cette étude en 1907, au Pic du Midi. Aussi ces radiations ultra-pénétrantes doivent-elle s’appeler les Rayons Nodon-Millikan et non pas Millikan seulement.

Voici exactement le processus de la découverte et de l’étude de ces rayons cosmiques. Dans les dernières années du XIXe siècle, plusieurs savants ont émis l’idée que des radiations de longueurs d’onde plus courtes que les rayons X et que les rayons gamma devaient exister. Edison, lord Kelvin, Curie et plusieurs autres savants émirent cette idée toute théorique. En 1900-1903, la présence des radiations très pénétrantes fut soupçonnée par les physiciens Geitel et C.-T.-R. Wilson (1900) par les physiciens anglais Mac Lennan et Burton (Physic. Review. 76-184-1903), Rugherford et Cooke (Ibid. 76-183-1903). Geitel et Wilson constatèrent qu’un conducteur électrisé isolé se déchargeait même dans un vase clos et les quatre autres physiciens susnommés montrèrent que cette décharge se produisait même si le vase clos était entouré d’écrans métalliques. Ils en conclurent que cette ionisation devait être due à un rayonnement extérieur des parois du vase et aux rayons gamma des radioéléments de la Terre récemment découverts. Ces observations intéressantes ne donnèrent lieu à aucune autre étude sérieuse et tombèrent plus ou moins dans l’oubli.

En 1907, Albert Nodon fit, à l’Observatoire du Pic du Midi (2.900 m), des mesures avec un électromètre à feuille d’aluminium ; il reconnut que l’action ionisante due aux radiations solaires, ainsi que celle due à la pleine lune, se manifestait à travers les corps et variait d’un instant à l’autre (Compte-rendu Académie des Sciences, 16 septembre 1907. Observations sur l’action électrique du Soleil et de la Lune : 1° Le Soleil induit une décharge électrique positive ; 2° l’induction solaire se manifeste au travers d’un carton noir paraffiné interposé entre le soleil et l’instrument ; 3° la grandeur de la charge observée est en général très variable d’un instant à l’autre ; la charge solaire constatée en août 1907, à environ 3.000 mètres d’altitude, variait de 1 à 6 volts par minute ; 4° la pleine lune produit une induction positive analogue à celle du soleil). Albert Nodon mettait ainsi en évidence pour la première fois l’existence d’actions électriques provoquées par des radiations d’origine extraterrestre et en indiquait les effets caractéristiques essentiels au moyen d’un électromètre approprié.

En 1910, le physicien suisse Gockel, le physicien allemand Hess et le physicien autrichien Kohlorster (1912-1914) confirmèrent les résultats expérimentaux d’A. Nodon et les vues théoriques d’O.-W. Richardson et de Pacini, en étudiant l’ionisation due à ces radiations en montagne et en ballon à 4.000 mètres et à 9.000 mètres, mais sans mesurer leur pénétration par absorption dans la matière. Dans une note d’A. Nodon remise à M. Bigourdan le 20 mai 1921, sur les ultraradiations émises dans la haute atmosphère, il était dit : « Des ultraradiations douées d’un grand pouvoir de pénétration sont émises par la haute atmosphère ; elles sont décelées par l’électromètre. » (C.-R. Ac. des Sciences, 4 oct. 1921.) A. Nodon précisait que ces ultraradiations (nom qu’il donnait aux nouveaux rayons) se manifestaient aussi bien la nuit que le jour et qu’elles possédaient un pouvoir de pénétration considérable, car elles traversaient des masses métalliques épaisses, de plomb en particulier. A. Nodon indiquait d’autre part qu’il paraissait exister des relations étroites entre ces radiations extraterrestres et les phénomènes terrestres, tels que les grands troubles de l’atmosphère, les courants telluriques, les actions électriques et magnétiques, etc. En 1922, Albert Nodon montrait que les actions ultraradiantes se faisaient sentir dans une pièce close (C.-R. Ac. des Sciences, 27 novembre 1922) et il avait démontré, en avril 1922, que les actions ultraradiantes pouvaient être décelées par la photographie (C.-R. Ac. des Sciences, 18 avril 1922. Note sur l’action photogénique des ultraradiations). En 1923, M. Nodon publiait une étude sur l’absorption des ultraradiations par des substances diverses telles que le plomb, le bismuth, les sels d’uranium et de radium. Cette étude démontrait qu’à épaisseur égale, le pouvoir d’absorption augmentait proportionnellement au nombre atomique (C.-R. Ac. des Sc., t. 178, p. 176, 11 juin 1923 ; Bulletin de la Société belge d’Astronomie, Mai 1923-Mai 1929 ; La Science Moderne : Août 1927 ; Le Ciel (A. Berget 1924) ; L’Air (A. Berget 1928). On pouvait déjà avoir une idée approximative du pouvoir de pénétration des ultraradiations.

Ce n’est qu’en 1925 que M. le professeur Millikan (photo ci-contre), des états-Unis, publia ses études sur la longueur d’onde des radiations Ultra X. (Rayonnement de haute fréquence d’origine cosmique. Mémoires lus à la National Academy of Sciences of the United States of America, le 9 Novembre 1925, publiés dans le Proceedings of the N.A.S. en Janvier 1926, par le professeur Millikan). MM. Millikan et Cameron firent leurs travaux dans les eaux des lacs américains de haute altitude, le lac Muir (3.450 m) et le lac Arrowhead (1.550 m), pour mesurer l’absorption des ultraradiations par l’eau pure provenant directement des neiges et par conséquent exempte de toute émanation radioactive. Leurs remarquables études, jusqu’à 30 mètres de profondeur, confirmèrent une fois de plus l’existence de ces radiations mystérieuses dont l’origine n’est pas encore nettement déterminée, car elle met en cause les problèmes les plus difficiles et les plus complexes de la constitution de la matière. Il résulte bien de l’ensemble de ces travaux que c’est M. Nodon qui le premier en Août 1907 a fait une série de mesures précises et reconnu qu’une action ionisante due aux radiations solaires ainsi qu’aux espaces cosmiques et à la pleine lune, se manifestait de jour et de nuit à travers tous les corps et variait d’un instant à l’autre. (Ac. des Sc., sept. 1907). Ses études de 1921, 1922, 1923 ne faisaient que préciser et compléter les propriétés découvertes en 1907, en indiquant un nouveau procédé pour les déceler, en étudiant leur absorption et en montrant leur relation avec les diverses perturbations terrestres. Parmi les autres physiciens, M. le Professeur Millikan est incontestablement celui qui a apporté la plus importante contribution à l’étude des rayons Ultra X, en déterminant avec précision leur puissance de pénétration.

Il est donc juste de leur donner le nom de Rayons Nodon-Millikan.

André GIRET

(Article extrait, avec retouches de forme, du Bulletin de la Société astronomique de Bordeaux, 1931-1932)