Histoire du Musée d’Aquitaine

janvier/février 2010

Origines

Les premières collections remontent au XVIe siècle (1534) avec la découverte de vestiges antiques que les humanistes de la ville ont tenu à faire conserver par les jurats et publier pour la première fois. On peut considérer que le Musée d’Aquitaine a pour origine le  » Dépôt des antiques  » fondé à l’initiative de l’intendant Dupré de Saint-Maur en 1781 et organisé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Bordeaux dans ses locaux (l’hôtel légué par Jean-Jacques Bel, enchâssé entre la rue du même nom et les allées Tourny). Il était composé principalement de monuments et objets découverts lors des grands travaux urbanistiques des décennies précédentes. En 1803, il fut rétrocédé à la Ville.

Musée d’armes au domaine de Carreire
Musée d’armes au domaine de Carreire

Le temps des érudits

Cette même année, la fouille d’une très grande nécropole antique à Terre-Nègre enrichit considérablement les collections municipales de ce premier musée renommé  » Musée d’armes et d’objets anciens  » et Jouannet, découvreur et fouilleur du site, en est le premier conservateur. En 1810, ce musée qui prend le nom de  » Cabinet d’antiques  » est regroupé dans l’ancien Hôtel de l’Académie, avec la bibliothèque, l’observatoire, le cabinet d’histoire naturelle, la galerie de tableaux et l’école de dessin, l’ensemble constituant ce que l’on appelle  » le Musée de la Ville de Bordeaux « . En 1845, le  » Cabinet d’antiques  » devient  » Musée d’antiques et cabinet des médailles  » (en 1850, Pierre Sansas, le futur fondateur de la Société archéologique, en est nommé administrateur). En 1853, est créé le  » Musée d’armes  » dans les salles du Palais Rohan. En 1856, enrichi de pièces extraites du  » Musée des antiques « , il est transféré rue Jean-Jacques Bel et cette même année, le  » Musée Bonie  » est créé, constitué d’objets exotiques et de marine.

Le legs par le docteur Godard de nombreux objets égyptiens en 1863 complète les collections archéologiques.

Les découvertes produites par les grands travaux de dégagement de la cathédrale et la percée du cours d’Alsace-et-Lorraine conduisent la Ville à ajouter, en 1865, au  » Musée d’antiques  » un dépôt rue des Trois-Conils (hôtel Fieffé), essentiellement pour les éléments lapidaires. En 1867, le  » Musée d’antiques  » devient  » Musée lapidaire  » et un nouveau dépôt est installé dans un hangar de la rue des Facultés. Tout au long du XIXe siècle, les conservateurs, souvent archéologues et membres de la Société Archéologique de Bordeaux dès sa création en 1873, suivent les grands chantiers urbains et s’attachent à prélever le produit des fouilles pour le musée.

J.-B. Gassies crée, en 1872, le  » Musée préhistorique et ethnographique  » dans l’hôtel de Lisleferme (au Jardin Public), qu’il enrichit de collections transférées du  » Musée d’armes  » et du  » Musée d’antiques « . En 1881, le  » Musée d’armes et d’objets anciens  » est rouvert au public rue Jean-Jacques Bel. En 1887, le  » Musée lapidaire  » est transféré rue Mably. En 1890, les collections d’armes et d’objets anciens sont mises en caisse et réapparaissent, sur la pression de la Société archéologique, au domaine de Carreire en 1906, où elles seront présentées jusqu’en 1950. Entre-temps, le  » Musée Carreire  » se sera enrichi d’un musée naval et de collections précolombiennes et extra-européennes qui viennent de l’ancien  » Musée colonial  » désaffecté.

ntérieur du Musée Porte Cailhau
ntérieur du Musée Porte Cailhau

La Société archéologique, devant les négligences répétées des autorités municipales, pourtant souvent sollicitées pour la création d’un  » Musée d’antiques de la Ville « , constitua sa propre collection d’objets le plus souvent non lapidaires. Elle présenta donc ses collections au public à partir de 1907 en ayant obtenu de la municipalité un espace réduit, la Porte Cailhau, puis consentit en 1979 leur dépôt au  » Musée d’Aquitaine « . En 1923, est créé un  » Musée d’art ancien « , fortement demandé par la Société archéologique à partir d’objets du  » Musée d’armes et d’objets anciens « , du  » Musée préhistorique « , du  » Musée Carreire  » et du  » Musée Bonie  » ; il devient, en 1955,  » Musée des arts décoratifs « .

Cette chronologie un peu simplifiée (les collections des différents musées ont eu une histoire parfois un peu enchevêtrée) montre la complexité de la question des musées et des collections au XIXe siècle, et du sens qu’on peut bien leur donner. Elles sont extrêmement diversifiées, ce que les bulletins de la Société archéologique reflètent bien, les collections archéologiques, aujourd’hui au  » Musée d’Aquitaine « , y étant dans leur très grande majorité publiées.

Vers le  » Musée d’Aquitaine « 

Après la Seconde Guerre mondiale, les collections de la ville vont connaître un vaste redéploiement. Dans les années 1951-1952, la Ville, qui a pour projet de créer  » un futur grand musée « , confie à Robert Mesuret le soin de réaliser l’inventaire des collections et de faire des propositions de regroupement, l’idée initiale étant de créer un  » Musée d’art et d’histoire  » qui réunirait les deux galeries de peinture et sculpture du jardin du Palais Rohan, le  » Musée d’art ancien  » rue Bouffard, le  » Musée Bonie « , le  » Musée lapidaire  » rue Mably, le  » Musée Carreire  » du Tondu, enfin le  » Musée de préhistoire  » du Jardin Public.

Salle « La ville de Bordeaux au 18e siècle » : écusson aux armes de la ville sculpté par Francin pour le piédestal de la statue équestre de Louis XV qui était située place Royale (aujourd'hui place de la Bourse), en arrière-plan, le buste de Montesquieu
Salle « La ville de Bordeaux au 18e siècle » : écusson aux armes de la ville sculpté par Francin pour le piédestal de la statue équestre de Louis XV qui était située place Royale (aujourd'hui place de la Bourse), en arrière-plan, le buste de Montesquieu

Mais c’est à partir de 1962 que va naître le  » Musée d’Aquitaine « , dans une logique différente. Louis Valensi est nommé conservateur du  » Musée lapidaire « , qui prend le nom de  » Musée archéologique de Bordeaux « . En même temps, Georges Henri Rivière qui est chargé de réorganiser les musées d’archéologie, histoire et ethnologie à l’échelle nationale, propose de créer dans chaque capitale régionale un grand musée de synthèse de l’histoire de la région des origines à nos jours. Ces musées régionaux devront travailler en réseau avec le  » Musée national des arts et traditions populaires  » et organiser leur travail sur une démarche scientifique fondée sur des  » programmes interdisciplinaires périodisés « . Fini le temps des musées anecdotiques ou événementiels, des accumulations d’objets. Les érudits locaux doivent désormais laisser la place aux chercheurs. À Bordeaux comme à Rennes (Musée de Bretagne), Caen (Musée de Normandie) ou Grenoble (Musée dauphinois), il faut définir  » le cadre d’un important musée d’histoire régionale qui, débordant du cadre étroit d’une histoire événementielle, s’ouvrirait à l’histoire économique, sociale et culturelle des temps préhistoriques à nos jours  » (Georges Henri Rivière). C’est ainsi que les collections archéologiques, historiques, et ethnographiques de la ville sont regroupées dans ce grand musée encyclopédique à vocation régionale qui porte désormais le nom de  » Musée d’Aquitaine « .

Mais avec la fin du XXe siècle, le monde change. De nouvelles questions se posent, liées à la mondialisation et aux migrations de populations. Les musées d’histoire tentent d’intégrer ces préoccupations à leurs projets scientifiques. C’est ainsi que le musée d’Aquitaine a défini un nouveau projet scientifique qui traite de l’histoire des relations que Bordeaux a entretenues avec le reste du monde au fil du temps, et dont les nouvelles salles permanentes consacrées à  » Bordeaux, le commerce atlantique et l’esclavage  » constituent une première réalisation.

Le bâtiment abritant le Musée d’Aquitaine

Le bâtiment qui abrite aujourd’hui le  » Musée d’Aquitaine « , situé à l’angle du cours Victor-Hugo et du cours Pasteur, abritait la Faculté des Lettres et des Sciences. Il a été construit par Charles Durand de 1880 à 1885 sur une partie des terrains de l’ancien Lycée que précédaient les anciens couvents des Feuillants et de la Visitation

Sa façade présente un avant-corps classique à trois baies en plein cintre, scandé à l’étage par des colonnes jumelées, entre lesquelles se situent des bas-reliefs allégoriques : à gauche, les hommes illustres, sculptés par Armand Prévot, de Ptolémée à Lavoisier, symbolisent les progrès des sciences, tandis que ceux sculptés par Louis de Coëffard à droite évoquent, d’Homère à Dante, les progrès des lettres, de la théologie et de la philosophie. Au centre, Pierre Granet rend hommage à la Ville de Bordeaux, à laquelle Minerve présente la jeunesse studieuse. À l’intérieur, la bibliothèque du musée reprend celle de l’ancienne Faculté et les cours ont été conservées, tandis que les grands amphithéâtres symétriques de Lettres et de Sciences ont dû être recoupés en hauteur pour former le premier étage muséographique des salles des XVIIIe XIXe et XXe siècles..

François HUBERT,

Conservateur en chef, directeur du Musée d’Aquitaine

Anne Ziéglé,

Conservateur chargé de l’Antiquité au Musée d’Aquitaine – Société Archéologique de Bordeaux