À la villa gallo-romaine de Plassac (Gironde) ; aspects archéologiques

Mars/Avril 2020

Nos lecteurs ont parcouru dans le dernier Mois Scientifique d’Aquitaine (n° 405-406) le compte rendu de la sortie inter-sociétés organisée dans le secteur de Plassac le samedi 4 mai 2019. Au sein d’un programme varié, un des points importants était la visite du site archéologique de Plassac et de sa belle villa gallo-romaine. Voici la première des deux contributions sur ce domaine aristocratique, donnant un point de vue moderne sur son histoire, présentées par deux brillants archéologues qui furent nos guides lors de cette visite.

I – Les peintures romaines de Plassac : de Pompéi à Trèves
par Alix BARBET, directrice de recherche honoraire du CNRS [] (1)
avec la collaboration d’Hélène Silhouette, assistante d’études à l’Inrap

C’est à l’occasion d’une mise en valeur de la villa de Plassac, pour laquelle il m’avait été demandé de revoir la présentation des peintures murales dans le musée, que nous avons retrouvé des fragments en réserve qui n’avaient jamais été vraiment étudiés. Au cours des fouilles de Jean-Pierre Bost, en 1978, de nombreux débris, découverts dans une tranchée, avaient fait l’objet de remontages spectaculaires, puis ont été restaurés au Centre d’étude des peintures murales romaines de Soissons dont j’avais la direction. Marie-Odile Savarit, en charge de leur étude, avait fait un mémoire de maîtrise à l’Université de Bordeaux. Il avait été possible de restituer un grand décor, datable dans la suite du IIIe style pompéien, des années 40-60 ap. J.-C. Nous avons pu restaurer plusieurs éléments de ce décor, avec plinthe d’imitations de marbres, grands panneaux noirs animés par des vignettes représentant des Amours montés sur des cygnes ou conduisant un attelage de dauphins, une Léda assaillie par Zeus transformé en cygne.

Fig. 1 - Plassac, Léda debout et le cygne, restitution nouvelle (A. Barbet, H. Silhouette).

Ces nouveaux fragments nous ont permis de revoir les assemblages de ces décors du premier état de la villa, construite dans les années 20-40 de notre ère, mais peints un peu plus tard. Ainsi, la peinture de Léda et le cygne, qui avait été restituée couchée, s’est redressée (Fig. 1), un nouveau petit Amour a été reconstitué sur un cygne, symétrique de celui qui existait (Fig. 2). Dans la zone supérieure, Méduse dans son médaillon a retrouvé une bordure plus complète (Fig. 3) et le tableautin de la zone supérieure, avec nature-morte de deux vases qui étaient incomplets, a été revu. En effet, le démontage et le remontage de ces panneaux, grâce à une méthode de restauration qui autorise des révisions, a permis de se rendre compte que les petits vases, à l’embouchure caractéristique, imitaient des modèles en verre. Les analogies avec la peinture pompéienne ont été confirmées, à savoir, une mode de parois fermées, avec multiples éléments décoratifs rythmés par des candélabres fictifs et agrémentés de vignettes, ainsi les candélabres avec des oiseaux ou des petits animaux perchés, qui séparaient les différents panneaux noirs, ont-ils pu être enrichis de nouveaux motifs.

Fig. 2 - Plassac, restitution en cours d’un Amour sur un cygne (cl. A. Barbet).

Un autre décor, toujours à fond noir, proche du grand décor restauré, a pu être mis en valeur ; on y voit un cygne perché à l’angle d’un entablement sous lequel une guirlande en festons verts est semblable à une guirlande d’un type identique, rare, à Lyon. Nous avons identifié une corne à boire suspendue également à un panneau noir disparu et bien d’autres éléments épars qui nous font regretter la perte de tous ces décors qui ornaient plusieurs salles de la première villa.

Fig. 3 - Plassac, médaillon de Méduse complété (cl. A. Barbet).

De la riche décoration qui devait orner la deuxième et la troisième villa, il ne reste que des pavements et des lambris de marbre. Ainsi, nous ne connaissions rien du décor peint de ces états, mais nous avons découvert des lambeaux du décor de la villa au Bas-Empire, qui était jusque-là insoupçonné, ils sont en majorité à fond blanc. Entre autres, nous avons identifié un décor à réseau à partir de fragments qui étaient jusqu’à présent inexpliqués et indescriptibles. C’est un système d’octogones sécants déterminant des carrés et des hexagones oblongs, assez proches de la mosaïque à octogones et hexagones d’une des salles à abside du dernier état de la villa. Il se rapproche de deux plafonds peints de Trèves datables du IVe siècle de notre ère, avec les mêmes petits motifs que nous avons surnommés « champignons à palmettes ». Ils n’ont plus rien à voir avec les palmettes de l’ancien temps. Un petit décor à écailles très simple (Fig. 4) peut être rapproché de la mosaïque à écailles de l’abside déjà nommée et il faut donc imaginer un programme décoratif de la villa où mosaïstes et peintres puisaient au même répertoire.

Fig. 4 - Plassac, décor à écailles, restitution (A. Barbet, H. Silhouette).

Pour trouver des comparaisons utiles face à ces débris de décors incomplets et parfois illisibles, nous avons pu utiliser la base de données intitulée « Décors antiques », que nous avons élaborée avec une spécialiste, Joëlle Carayon, où ont été mises en place des centaines de photos de peintures murales prises dans tout l’empire romain, depuis cinquante ans, dont certaines disparues depuis. Enfin, de nouveaux panneaux restaurés ont été élaborés, qui sont désormais visibles dans le musée de site.

 

(1) Ces recherches ont fait l’objet d’une conférence pour l’association Kairinos, le vendredi 3 mai 2019 à l’Hôtel des Sociétés savantes, Bordeaux.


Bibliographie
– BARBET (Alix), La peinture murale en Gaule romaine, Paris, 2008.
– BARBET (Alix) & SAVARIT (Marie-Odile), Peinture murale romaine en Gironde, catalogue d’exposition, Bordeaux, mai-décembre 1983.
– BARBET (Alix), SILHOUETTE (Hélène) (collab.), Plassac : peintures fragmentaires revisitées et stucs, Peintures et stucs d’époque romaine. Etudes toichographologiques, J. Boislève, A. Dardenay, F. Monier (dir.), Actes du 28e colloque de l’AFPMA, Paris 20-21 novembre 2015, Ausonius Pictor, coll. de l’AFPMA, 6, Bordeaux, 2017, p. 321-330.